Marché prometteur, l’hydrogène aiguise actuellement l’appétit des grandes compagnies pétrolières et gazières. Mais, ces majors s’intéressent en grande partie à l’hydrogène vert, moins écologique que l’hydrogène naturel.

Patrick Pouyanné ne plaisantait donc pas. Lors d’un colloque de l’Union française de l’électricité (UFE), organisé le 3 décembre 2019, le PDG de Total avait déclaré que « La filière hydrogène mérite d’être regardée de plus près ». Il faisait référence à l’hydrogène vert produit à partir d’électricité issue de sources renouvelables, moins polluant que les autres formes à base d’énergies fossiles (gris, turquoise, etc.). Deux ans plus tard, le dirigeant réitère ses ambitions à l’occasion d’un entretien accordé à Usine Nouvelle le lundi 1er février 2021. « Le métier de Total sera de produire de l’hydrogène décarboné. Le groupe possède les briques technologiques pour produire de l’hydrogène bleu avec capture de carbone. Et l’hydrogène vert, produit par électrolyse, est un complément évident à nos investissements dans les fermes renouvelables, pour stocker l’électricité », a-t-il dit.

L’hydrogène vert pas si écologique ?

Selon Patrick Pouyanné, « Total passe à une stratégie pilotée par la demande » de plus en plus croissante en Europe. Parallèlement, le groupe doit assurer son avenir à l’horizon 2050 avec un pétrole en déclin sur le marché. Pour atteindre ses objectifs, la compagnie prévoit travailler en alliance avec Engie et Air liquide, qui ont également annoncé d’ambitieux projets dans la filière de l’hydrogène vert. Si les intentions sont bonnes soulignons cependant que ce gaz n’est pas totalement vertueux. Sa production a une contrepartie : l’utilisation d’importante quantité d’eau et la destruction de couvert végétal pour la construction de champ de panneaux solaires. Des défis écologiques pointés du doigt dans une enquête publiée le lundi 1er février par Reporterre, un quotidien pour l’écologie.

D’importantes réserves d’hydrogène naturel partout dans le monde 

Dans cet article, Reporterre fait bien d’indiquer que l’hydrogène pur existe à l’état naturel. Il ajoute toutefois qu’il est rare, raison pour laquelle les industriels se tournent vers sa fabrication en usine. Ce qui est inexact. En effet, plusieurs études de chercheurs russes et français ont démontré qu’il existe d’importantes réserves d’hydrogène naturel à travers le monde. Dans leur bouleversant ouvrage « L’Hydrogène naturel : la prochaine révolution énergétique ? », paru en 2010, les géophysiciens français Alain Prinzhofer et Éric Derville ont indiqué avoir identifié des réservoirs  aux États-Unis, au Brésil, en Russie, au Canada, en Australie ou encore au Mali. Dans ce dernier pays, l’exploitation de l’hydrogène naturel est très bien avancée grâce à Hydroma, une compagnie créée par Aliou Diallo en 2010 et qui a son siège au Canada.

Un pipeline pour approvisionner l’Europe

Depuis 2012, Hydroma transforme l’hydrogène naturel en électricité propre près du village de Bourakébougou au Mali. Grâce à ses travaux et sa production à petite échelle, la compagnie a montré que cette ressource est totalement bonne : abondante, renouvelable, sans émission de CO2 et moins cher. Après le test réussi de Bourakébougou, Hydroma a récemment lancé une production industrielle de son hydrogène. L’objectif immédiat est de donner au Mali son indépendance énergétique, puis d’alimenter toute l’Afrique et l’Europe. Aliou Diallo a prévu de construire un pipeline de 4.700 kilomètres de Bourakébougou aux portes du Vieux continent. Par sa réussite, Hydroma prouve ainsi que l’exploitation de l’hydrogène naturel ne pose pas d’énormes défis technologiques et financiers, comme on veut le faire croire en Occident. Les majors de l’énergie devraient donc se l’approprier. A moins que la course à l’hydrogène vert ne soit en fait qu’un business recouvert d’un vernis vert.

Partagez maintenant.